L’actualité récente fait état de plusieurs demandes d’injonctions devant les tribunaux :  RTA en a demandé une dans le cadre du conflit l’opposant à ses syndiqués; une étudiante en a demandé une contre son association étudiante et le Collège qu’elle fréquente dans le cadre des manifestations contre la hausse des droits de scolarité; une Université en a demandé une contre des associations étudiantes dans le même contexte.  Mais qu’est-ce donc qu’une injonction?  Quand peut-on avoir recours à un tel véhicule procédural?  Quels sont les critères d’émission d’une ordonnance d’injonction?

Le terme « injonction » désigne une ordonnance par laquelle la Cour ordonne à quelqu’un de faire ou de ne pas faire quelque chose, sous peine d’outrage au tribunal.  Cette ordonnance peut viser une personne précise, mais elle peut aussi s’appliquer à toute personne qui en a ou a pu en avoir connaissance.

injonction temporaire (« provisoire » ou « interlocutoire »  dans le jargon légal) vise à maintenir une situation le temps que la Cour puisse se prononcer sur une question donnée.  L’injonction provisoire est émise pour une durée maximale de dix jours dans des circonstances relevant de l’urgence.  L’injonction interlocutoire est émise pendant  la durée des procédures, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’un jugement final soit rendu.  L’injonction permanente vise une ordonnance de faire ou de ne pas faire par le biais d’un jugement final.

Par exemple, prenons le cas d’un chemin de servitude de passage pour accéder à une propriété de villégiature.  Le propriétaire qui verrait le chemin privé qu’il utilise bloqué par un autre propriétaire pourrait obtenir une ordonnance d’injonction temporaire décrétant la levée de tous les obstacles. La circulation sur le chemin devrait être permise pendant tout le temps des procédures, jusqu’à ce que le tribunal décide des droits des parties sur les lieux du chemin lui-même.  Dans la mesure où le tribunal en venait à la conclusion, dans son jugement final, que le chemin existe et que la circulation y est permise, il pourrait non seulement le déclarer, mais aussi prononcer des ordonnances permanentes visant le maintien de la circulation sur le chemin visé.

Les contextes donnant lieu aux recours en injonction sont multiples.  L’injonction peut viser, en droit des rapports collectifs de travail, que les droits des salariés de piqueter, de manifester et d’accéder aux installations de l’employeur soient circonscrits (nombre de piqueteurs, lieux de piquetage et de manifestation, interdiction d’accéder aux lieux de travail).  En matière de contrat individuel de travail, elle peut viser le respect d’un engagement de non-concurrence pendant le temps où les procédures devant décider de la validité de tel engagement de non-concurrence se déroulent et finalement, jusqu’à l’expiration de la durée pour laquelle cet engagement a été souscrit.  Elle peut viser la récupération de données ou de matériel appartenant à un employeur, face à un ex-salarié cherchant à les utiliser dans un contexte différent de celui de son travail, sans l’accord de l’employeur.  Dans le conflit étudiant ayant actuellement cours au Québec, l’injonction est utilisée par certains étudiants afin d’avoir accès aux écoles et salles de classe et afin que les cours y soient offerts.  Certaines institutions d’enseignement ont utilisé de telles procédures afin d’encadrer le droit de manifester des étudiants et de garantir l’accès du public aux lieux d’enseignement.  En matière de droits des biens et de la propriété, l’injonction peut viser le respect des droits et servitudes de passage, de vue ou d’approvisionnement en eau potable par exemple.

Les critères d’émission d’une ordonnance d’injonction temporaire, peu importe le contexte, sont les suivants : apparence de droit du demandeur, ordonnance nécessaire afin d’éviter qu’un préjudice sérieux et irréparable ne soit causé, ou que ne soit créé un état de fait ou de droit de nature à rendre le jugement final inefficace, et balance des inconvénients, favorable au demandeur.  Généralement, le seul préjudice financier est insuffisant à l’obtention d’une telle ordonnance, surtout si ce préjudice financier est facilement déterminable.

Les procédures en injonction font aussi l’objet de dispositions particulières au Code de procédure civile, et la qualité de leur rédaction s’avère donc d’une importance capitale.  Les modalités de contestation ou de prise de position face à telle demande d’injonction doivent aussi faire l’objet d’une attention particulière.

Face à une situation pouvant donner lieu à une demande ou à une ordonnance d’injonction, consulter un avocat pratiquant au sein de SBL peut s’avérer pertinent.

Patrice Gobeil, avocat

© Simard Boivin Lemieux, 2014. Tous droits réservés.

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