Source : Le Forestier

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Droit du travail et de l’emploi,

10 juillet 2006

ACCIDENT DE TRAVAIL D’UN EMPLOYÉ: L’EMPLOYEUR EST-IL À L’ABRI DES POURSUITES?

Lorsqu’un employé est victime d’un accident du travail, il est généralement indemnisé par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) parce que d’une part, son employeur était inscrit et cotisait au régime et d’autre part, parce qu’il a été établi que ses blessures ou sa maladie professionnelle étaient dues à l’exercice de son travail.

En vertu de la loi qui crée ce régime, à savoir la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et dont l’application est confiée à la CSST, le travailleur ne peut poursuivre son employeur.

Il est cependant possible à un salarié d’avoir gain de cause contre un tiers à qui il reproche d’être à l’origine de son accident et de ses blessures pour lui réclamer l’excédent de ses dommages non couverts par la CSST; il est aussi possible à ce même tiers d’avoir gain de cause à son tour contre l’employeur du salarié en question.

Dans la présente affaire « Gaudreault contre Barrick Gold Corporation c. Forage long trou CMAC inc. », le juge Ivan St-Julien de la Cour supérieure du district d’Abitibi a en effet suivi la jurisprudence voulant que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles n’a pas pour effet de consacrer l’immunité de l’employeur à l’endroit du tiers.

Barrick avait retenu les services de CMAC pour effectuer des travaux de forage; Gaudreault était à l’emploi de CMAC quand il a été victime d’un accident. Même s’il avait été indemnisé par la CSST jusqu’au maximum prévu par la loi, Gaudreault intenta des procédures en dommages contre Barrick à qui il reprochait d’avoir été grossièrement négligente et d’avoir manqué à son obligation de sécurité à son égard.

Dès que Barrick eut reçu signification des procédures de Gaudreault, elle déposa une requête pour appeler CMAC en garantie dans le but de forcer cette dernière à intervenir entre elle et Gaudreault, et de prendre fait et cause pour elle.

CMAC a aussitôt répliqué par une requête en irrecevabilité, et c’est précisément sur cette requête que le débat a porté et sur lequel le juge St-Julien s’est exprimé.

En fait, CMAC a plaidé que le contrat qui la liait à Barrick ne contenait aucune clause d’indemnité ou autres termes par lesquels elle s’engageait à tenir Barrick indemne pour tout dommage ou préjudice causé à ses employés dans l’exécution de son contrat et, comme il était à prévoir, elle invoquait les dispositions de la loi précitée (Art 436) interdisant le recours direct de l’employé contre l’employeur.

Se basant principalement sur un arrêt de la Cour d’appel et sur l’ouvrage des auteurs Baudoin et Deslauriers, le juge St-Julien a rejeté la prétention de CMAC parce qu’en ce qui concerne l’accidenté, la demanderesse en garantie n’est pas assujettie aux dispositions de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Selon les tribunaux, cette loi n’a pas pour but de soustraire un employeur aux obligations contractuelles qu’il s’est créées envers un tiers. Et la Cour d’ajouter : «De son côté, le tiers ne peut être appelé à perdre son recours contractuel contre l’employeur.»

Il faut noter cependant que cette décision n’a pas mis fin à la totalité du débat. En rejetant la requête de CMAC, la Cour supérieure a en effet estimé que c’est au juge du fond qu’il appartiendra de départager les autres arguments des parties, par exemple, la portée de certains articles du contrat.

Il importe néanmoins de reconnaître que l’employeur qui veut s’éviter le recours d’un tiers poursuivi par un accidenté du travail devra s’assurer que le contrat qu’il détient du tiers en question (le donneur d’ouvrage) contient des clauses excluant sa responsabilité en pareil cas.

Gilles Boivin, avocat

© Simard Boivin Lemieux, 2014. Tous droits réservés.

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