Concilier affaires et amour est sans doute un défi perpétuel. Il arrive toutefois qu’un troisième joueur, le fisc, vienne mettre à l’épreuve cet équilibre déjà précaire. En voici un exemple :
Paul et Marie se sont connus en 1993 et mariés en 1996. Paul est un homme d’affaires et Marie a toujours travaillé auparavant. Au fil de la vie commune, les époux se sont réparti les charges financières de la famille. Paul paie l’hypothèque sur la résidence familiale et les factures de téléphone, alors que Marie assume toutes les autres dépenses de la famille.
En 1999, les affaires de Paul périclitent; Paul demande à Marie de lui prêter 50 000 $. Marie accepte.
Quelques mois plus tard, les affaires de Paul ne s’améliorent pas, et Marie lui demande de convenir d’un mode de remboursement. Il est alors entendu de transférer la maison à Marie, qui a une valeur de 100 000 $ et qui est hypothéquée pour 50 000 $. L’acte de cession, préparé devant notaire, prévoit que Marie assumera ce solde hypothécaire.
En 2004, Paul reçoit un avis de cotisation de la part des autorités fiscales pour des sommes dues, en 1998, par ses entreprises et dont il est responsable personnellement (T.P.S., T.V.Q., D.A.S.). Marie reçoit, elle aussi, un avis de cotisation pour ces sommes, au motif qu’elle a bénéficié du transfert d’un immeuble de la part de Paul, sans avoir versé de juste contrepartie, alors que Paul était débiteur fiscal. Elle a pourtant bel et bien déboursé 50 000 $ en faveur de Paul et doit assumer une dette de 50 000 $ sur cet immeuble. Elle croyait donc avoir payé le juste prix.
L’autorité fiscale prétend notamment à l’absence de juste contrepartie payée par Marie, puisque malgré l’acte notarié, les versements hypothécaires continuent d’être prélevés à même le compte de Paul.
Marie peut-elle contester l’avis de cotisation qu’elle a reçu? Quels seraient ses arguments? Quelle preuve devrait-elle faire valoir?
La décision rendue par la Cour canadienne de l’impôt dans l’affaire 2008CCI242 traite d’une situation similaire et peut orienter Marie.
Tout d’abord, le transfert d’immeuble dont a bénéficié l’un des époux doit avoir été effectué pour une juste contrepartie, c’est-à-dire pour un prix qui correspond à la valeur marchande.
Dans notre cas, Marie a bien déboursé 50 000 $ et s’est bel et bien obligée à rembourser une hypothèque de 50 000 $, alors que l’immeuble vaut 100 000 $.
Le problème est le suivant : les versements hypothécaires ont continué d’être prélevés dans le compte de Paul. C’est aussi le cas dans la décision judiciaire 2008CCI242.
Dans cette décision et face à la situation, les époux ont réussi à mettre en perspective les obligations contractuelles résultant de leur mariage afin de démontrer que la juste contrepartie a été versée malgré la continuation des versements hypothécaires par l’époux ayant cédé l’immeuble. Ils ont invoqué l’effet de l’article 396 C.c.Q. qui dispose que Les époux contribuent aux charges du mariage à proportions de leurs facultés respectives. Chaque époux peut s’acquitter de sa contribution par son activité au foyer.
Dans ce cas, Madame a démontré qu’elle a rempli son obligation d’acquitter les versements hypothécaires par équivalence; en ce que les époux avaient convenu pour des raisons pratiques que Madame continuerait d’acquitter la majorité des autres charges du ménage, qui forment un montant supérieur aux mensualités hypothécaires et aux frais de téléphone, qui continuaient d’être assumés par Monsieur. Le tribunal admettait donc que le fait pour un époux d’assumer, à l’occasion d’une transaction avec son épouse, un passif particulier ne fait pas en sorte de dispenser l’autre conjoint de ses obligations légales en vertu de 396 du CCQ.
Il appert de cette décision que les époux, malgré l’assignation d’un passif déterminé à l’un deux, continuent d’être soumis à la règle générale de contribution proportionnelle aux charges du ménage et que, bien que non souhaitable, les parties peuvent convenir d’une assumation différente de celle prévue à un contrat spécifique, à charge cependant de faire la preuve des deux éléments suivants : l’existence de telle entente et le respect de telle entente par chacun des conjoints concernés.
Dans la décision commentée, la Cour a dû se livrer à une analyse approfondie de la vie économique des époux afin de s’assurer que chacun des époux assume sa juste part des charges financières de la famille. Les époux ont donc dû présenter au tribunal une preuve fort détaillée et convaincante de leurs contributions respectives.
La lecture de cette décision nous enseigne aussi que cet argument n’a pas toujours été accueilli. La situation précise de chaque époux doit être analysée.
Ainsi, il serait judicieux pour Marie de consulter un avocat, afin que ce dernier évalue les fondements de sa contestation en regard de la preuve dont elle dispose.
Les avocats de SBL connaissent ce genre de situations et peuvent vous aider.
Patrice Gobeil, avocat