Michel Lussier

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8 mai 2009

ALCOOL, DROGUE, EMPLOI : EST-CE CONCILIABLE

Les tribunaux siégeant en matière de droit du travail ont reconnu que les employés souffrant d’alcoolisme ou de dépendance aux diverses drogues peuvent (selon certaines circonstances) être considérés comme souffrant d’un handicap au sens de la Charte québécoise des droits de la personne. Dans une telle éventualité, les tribunaux imposent à l’employeur une obligation d’accommodement raisonnable afin de permettre à l’employé qui pourrait faire l’objet d’une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au congédiement de conserver son emploi.

Il est important de préciser que l’obligation d’accommodement imposée à l’employeur ne s’applique pas aux employés qui sont des consommateurs occasionnels de telles substances car, nous vous le rappelons, pour bénéficier d’une telle protection, l’employé doit avoir atteint un stade de dépendance.

Il faut par contre garder à l’esprit qu’un employé, même s’il n’est pas dépendant de l’alcool ou des drogues et qui se présenterait intoxiqué sur les lieux du travail, commettrait une faute grave, passible de mesures disciplinaires très sévères.

Il est fortement recommandé aux entreprises d’adopter une politique portant sur la dépendance aux drogues et à l’alcool prévoyant les droits et obligations de leurs employés à cet égard.

Ces politiques devront tenir compte de l’obligation d’accommodement qui incombe aux employeurs et du fait qu’une telle politique pourrait tenter d’apporter des balises aux obligations d’accommodements raisonnables.

Il est également possible de conclure avec un employé qui souffre de dépendance à l’alcool ou aux drogues et qui aurait manifesté certains problèmes dans le cadre de l’exécution de son travail, une entente de dernière chance, celle-ci étant reconnue par les tribunaux comme étant en soi une mesure d’accommodement raisonnable. Il est important de garder à l’esprit que le manquement d’un salarié à une entente de dernière chance, suivi de l’application des mesures qui y sont prévues par l’employeur, n’empêche pas un arbitre saisi d’un grief de vérifier si l’employeur a satisfait à son obligation d’accommodement. Autrement dit, l’application de ces ententes n’est pas automatique, et il incombe à l’employeur de prendre les moyens raisonnables pour accommoder le salarié et l’aider à régler son problème de dépendance, même parfois au-delà de ce qui est prévu dans l’entente.

Par contre, par la signature d’une entente de dernière chance, les parties reconnaissent l’existence d’une problématique sérieuse à une date donnée et les motifs ayant amené l’employeur à accorder à son employé une dernière chance, ce qui peut avoir un effet dissuasif important.

En conclusion, l’arbitre aura toujours la tâche d’analyser les circonstances entourant l’application de l’entente de dernière chance et d’évaluer si l’employeur a réellement respecté l’obligation d’accommodement qui lui est imposée en raison du handicap de son employé.

L’obligation d’accommodement raisonnable imposée à un employeur ne devra pas être interprétée comme imposant à ce dernier une contrainte excessive, et ce, en fonction de la nature et de l’importance de son entreprise. En d’autres termes, l’arrangement conclu avec un employé ne doit pas entraver les droits ou alourdir la charge de travail des autres salariés, ni entraîner un risque pour eux ni pour le public. L’obligation d’accommodement raisonnable ne doit pas non plus impliquer de coûts trop importants ou nuire à la productivité de l’entreprise.

Malgré les obligations qui incombent à l’employeur, il est important de souligner que l’employé a également le devoir de prendre les moyens nécessaires afin de remédier à son problème.

Un juriste sera souvent le mieux placé pour rédiger la politique portant sur la dépendance aux drogues et à l’alcool, et pour prévoir les dispositions d’une entente de dernière chance respectant les obligations d’accommodement incombant à l’employeur.

Michel Lussier, avocat

© Simard Boivin Lemieux, 2014. Tous droits réservés.

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