L’équipement et la machinerie forestière sont sans contredit des biens autant essentiels que précieux considérant les coûts d’acquisition, et ce, pour tout entrepreneur qui œuvre dans le domaine forestier. Il va de soi que chacun de ces biens se doit d’être couvert par une police d’assurance qui assurera à l’entrepreneur une prestation adéquate en cas de perte.
Le nombre de pertes d’équipements forestiers, principalement par le feu, est si élevé que plusieurs assureurs ont d’ailleurs abandonné ce secteur d’activité au fil des années. Le risque d’incendie de ce genre d’équipement est dû en partie à la présence de grandes quantités de poussière, d’huile, de résidus de bois, le tout mêlé à de grandes chaleurs et à de plus en plus de circuits électriques.
Les incendies de forêt peuvent également être à l’origine des feux d’équipements puisque même une fois éteint, un incendie de forêt dégage du carbone susceptible de se déposer à l’intérieur des cavités de l’équipement, de prendre feu de nouveau, vu l’intense chaleur qui s’en dégage.
C’est pourquoi, en souscrivant à une bonne police d’assurance et en respectant scrupuleusement les engagements prévus à cette police, l’entrepreneur forestier pourra poursuivre ses activités l’esprit tranquille.
Une jurisprudence relativement récente ayant eu à se prononcer en matière d’incendie d’équipements forestiers nous démontre, malheureusement, que les assureurs peuvent éviter de payer les prestations d’assurance. Ce fut le cas notamment dans un jugement rendu par la Cour supérieure du district de Roberval sous la plume du juge Jacques Babin dans la cause Florent et Gilbert Tremblay inc. c. M.J. Oppenheim, décision qui date du 8 décembre 2003.
Dans ce jugement, la compagnie forestière avait souscrit à une assurance qui couvrait notamment une débusqueuse. Évidemment, ce qui devait arriver arriva, et la débusqueuse en question fut la proie des flammes. Cette débusqueuse était équipée de deux extincteurs de 5 livres de poudre chacun, lesquels furent d’ailleurs utilisés par l’opérateur qui tenta de maîtriser l’incendie sans succès. De plus, un compagnon de travail, témoin de l’évènement, lui porta secours et emporta l’extincteur de 10 livres qui se trouvait dans sa propre machine. Malheureusement, le feu n’a pu être maîtrisé, et la débusqueuse fut une perte totale.
Après avoir contacté son assureur pour une demande d’indemnisation suivant la police d’assurance, la compagnie forestière essuyait un refus sous prétexte que la police contenait un engagement formel de munir chaque équipement d’un extincteur de 20 livres de poudre sèche et qu’un manquement à tel engagement entraînait la nullité des garanties.
Le rapport d’experts a d’ailleurs démontré que l’utilisation de trois extincteurs, soit un de 10 livres et deux de 5 livres, ne pouvait pas remplacer celui de 20 livres tel que l’exigeait la police d’assurance puisqu’ils n’avaient pas le même débit et qu’ils ne se vidaient pas à la même vitesse, ce qui entraînait une augmentation du risque lors du début de l’incendie.
Toutefois, et à bon droit, le juge Babin, J.C.S., prit bien soin de citer les dispositions du Code civil du Québec qui exigent, avant de déclarer les garanties non applicables, que l’assuré ait d’abord manqué à ses engagements, mais également que ce manquement ait entraîné une aggravation du risque.
Certains jugements antérieurs avaient déjà statué que le fardeau de prouver qu’il existait un lien entre le défaut de respecter les conditions prévues à la police et les conséquences du sinistre reposait sur les épaules de la compagnie d’assurances. Or, ce n’est toutefois pas là la règle, car la jurisprudence dominante et la doctrine sur le sujet ont plutôt décidé que le défaut d’entretien des extincteurs par exemple, constituait un manquement aux engagements formels souscrits dans la police d’assurance et que l’assureur n’avait pas à prouver que ce fait constituait une aggravation du risque. Ce fardeau de preuve imposé à l’assureur ne va pas jusqu’à lui imposer de démontrer que, n’eût été du non-respect de l’engagement, le sinistre ne se serait pas produit.
D’ailleurs, l’auteur bien connu, Didier Lluelles, se range de ce côté en affirmant que l’assureur n’a effectivement pas un tel fardeau de preuve. Ce dernier ajoute que les engagements spécifiques souscrits visent évidemment à réduire les risques de sinistres par incendie qui sont très élevés.
En résumé, il ressort donc de la jurisprudence que la suspension de la garantie de l’assureur dépend de deux éléments : un manquement à un engagement formel et la démonstration qu’un tel manquement constitue une aggravation du risque. Il est important de noter que l’aggravation du risque entraînée par le non-respect d’un engagement n’annule pas l’entièreté de la police d’assurance, mais uniquement la portion de garanties touchée par une telle aggravation.
Il est donc essentiel pour un entrepreneur forestier de souscrire à des polices d’assurances pour l’ensemble de ses équipements, mais il est également très important que ce dernier prenne connaissance des engagements auxquels il a souscrit et qu’il s’y conforme afin de s’assurer qu’il sera adéquatement indemnisé le temps venu.
Pierre Hébert, avocat