Vous êtes créancier d’un individu et vous venez d’apprendre qu’il a fait cession de ses biens. Bref, en langage clair, votre débiteur a fait faillite. Vous n’êtes titulaire d’aucune garantie sur ses biens, telle qu’une hypothèque, et malheureusement, votre créance ne peut être qualifiée de privilégiée, tels des loyers ou salaires impayés. Vous avez donc le statut de créancier » ordinaire « .
Vous n’êtes pas sans recours et, avant de lancer la serviette, des vérifications s’imposent. En effet, votre créance pourrait se voir réserver un meilleur sort que vous ne le croyez dans la mesure où il existe une caution, que vous êtes un vendeur ou un fournisseur impayé, que vous bénéficiez d’une réserve de propriété dans votre contrat ou à moins que les règles de la compensation ne vous soient applicables.
D’abord, la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (ci-après désignée LFI) stipule que la libération du failli n’a pas pour effet de libérer la caution, c’est-à-dire la personne qui s’est engagée à payer la dette de votre débiteur en cas de défaut de paiement de ce dernier. Vous pourriez donc, à certaines conditions, adresser votre demande de paiement à cette tierce personne, espérons-le, plus solvable que votre débiteur.
En second lieu, la LFI permet au vendeur impayé, à certaines conditions, de reprendre possession de ses marchandises vendues, mais impayées par le failli. Il doit s’agir de biens identifiables qui n’ont pas été vendus ni transformés et qui étaient destinés à être utilisés dans le cadre des affaires du débiteur. Votre demande de reprise de possession des biens devra être adressée au syndic dans les quinze jours suivant la date de la faillite et ne pourra s’exercer que si les biens ont été livrés dans les trente jours précédant la faillite.
Troisièmement, si vous avez prévu dans vos contrats une clause vous réservant la propriété des biens vendus à votre débiteur jusqu’à parfait paiement, vous pourriez, à certaines conditions, opposer cette clause au syndic de faillite. Votre demande de revendication des biens devra être adressée au syndic au moyen d’une preuve de réclamation de biens, lesquels devront être encore en possession du failli et identifiables.
Enfin, la LFI permet l’application des règles de la compensation dans un contexte de faillite. La compensation a lieu dans l’éventualité où votre débiteur et vous-même êtes réciproquement créancier et débiteur l’un de l’autre, que l’objet de vos dettes est de même espèce (telles des sommes d’argent), que vos dettes sont certaines et liquides (non contestées ni assorties de conditions) et que vos dettes sont dues et exigibles (existantes en date de la faillite). Si ces conditions étaient rencontrées, vous pourriez être admis à invoquer la compensation auprès du syndic de faillite.
À la lumière de ce qui précède et avant de déclarer forfait quant au recouvrement de votre créance, il y aurait lieu de s’informer et consulter afin de vérifier si l’une des situations précédentes s’applique à vous ou tout simplement s’il y a lieu de réviser vos pratiques commerciales.
Lyne Bourdeau, avocate