Vous êtes un des nombreux créanciers « ordinaires » d’un individu qui vient de faire faillite. Votre premier réflexe est de penser que toutes démarches visant le recouvrement de votre créance seront vouées à l’échec.
En effet, d’une part, vous ne détenez aucune garantie sur les biens du failli de sorte que les dispositions de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (ci-après désignée LFI) vous imposent une suspension des procédures, c’est-à-dire que vous n’avez aucun recours contre la personne insolvable ou ses biens, et vous ne pouvez intenter ni continuer une action, une exécution ou toute autre procédure en vue du recouvrement de votre créance qui constitue par ailleurs une réclamation prouvable dans la faillite.
D’autre part, lorsque votre débiteur obtiendra la libération de sa faillite, il sera, en principe, libéré des dettes qu’il avait à la date de sa faillite.
Avant de déclarer forfait, il y aurait lieu de vous questionner sur la nature de la dette de votre débiteur à votre égard, puisque la LFI énumère certains types de dettes qui ne sont pas effacées au terme de la libération. Il en est ainsi, notamment, de toutes pensions, dettes ou obligations alimentaires au profit d’un ex-conjoint ou d’un enfant, des amendes ou sanctions pécuniaires imposées par un tribunal en matière pénale, des dommages accordés en matière civile pour des lésions corporelles causées intentionnellement, pour une agression sexuelle ou pour le décès découlant de celle-ci ou encore des dettes découlant de la fraude et des prêts étudiants, en autant qu’il se soit écoulé moins de sept ans depuis que le failli a cessé ses études.
Ainsi, dans la mesure où la dette de votre débiteur est qualifiée « non libérable » au sens de la LFI, vous pourrez entreprendre des procédures judiciaires contre celui-ci, après la libération de sa faillite. Vous demanderez alors au tribunal de statuer sur le caractère non libérable de cette dette et de rendre jugement contre votre débiteur, ce qui vous permettra ensuite de procéder à toutes les mesures d’exécution jugées utiles.
Enfin, il vous est également loisible de vous adresser à la Cour supérieure en matière de faillite pour être autorisé à entreprendre, devant le tribunal compétent, vos procédures judiciaires avant la libération de votre débiteur. Si par ailleurs, vous aviez déjà commencé ces procédures et qu’elles ont fait l’objet d’un avis de surseoir de la part du syndic, vous pourrez, suivant les mêmes règles, demander à la Cour l’autorisation de les continuer. Dans les deux cas, vous devrez démontrer, entre autres, que vous subirez vraisemblablement un préjudice sérieux dans l’éventualité où la suspension des procédures imposée par la LFI était maintenue ou encore qu’il était, pour d’autres motifs, équitable d’ordonner la levée de telle suspension.
Aussi, avant d’investir votre argent et vos énergies dans cette voie, vous seriez bien avisé de consulter un avocat afin de vérifier si vous remplissez les conditions requises vous permettant d’instituer un recours contre votre débiteur-failli ou encore de vous faire autoriser à continuer le recours déjà entrepris.
Lyne Bourdeau, avocate