La belle saison sera bientôt à nos portes, et nombreux sont ceux et celles qui trépignent d’impatience à l’idée de sortir leur vélo et d’aller rouler sur quelques kilomètres au grand air! Les usagers des pistes municipales ont toutefois intérêt à redoubler de prudence de manière à éviter les obstacles qu’ils peuvent rencontrer.
La responsabilité de la municipalité en cas de collision avec un obstacle sur une piste municipale a d’ailleurs fait l’objet d’une récente décision de la Cour du Québec1. Dans cette affaire, le demandeur, un cycliste de haut niveau, poursuit la Ville de Gatineau en dommages-intérêts à la suite d’un accident de vélo survenu sur une piste multifonctionnelle, dans un parc appartenant à la Ville. En rentrant chez lui après une randonnée, le demandeur est entré en collision avec un des bollards2 installés devant le chalet municipal et s’est grièvement blessé. Le demandeur plaide la notion de « piège ».
Cette notion a été définie par la Cour suprême dans la cause Rubis c. Gray Rocks3. Le piège est généralement une situation intrinsèquement dangereuse dont le danger n’est pas apparent mais caché. Il y a dans l’idée de piège une connotation d’anormalité et de surprise, eu égard à toutes les circonstances.
En l’espèce, le tribunal est d’avis que les installations de la Ville ne constituent pas un piège pour les cyclistes. En effet, la piste du parc en question est aménagée pour la promenade, c’est-à-dire qu’elle est utilisée par des piétons, des cyclistes, des poussettes pour enfants, des coureurs et même des fauteuils roulants. Les cyclistes qui l’empruntent doivent s’attendre à y rencontrer cette clientèle diversifiée et par conséquent, doivent y circuler avec prudence. Les bollards installés dans le rond-point où a eu lieu l’accident du demandeur ont précisément pour but d’inciter les cyclistes à ralentir pour réduire les risques de collision. La preuve a démontré qu’ils sont visibles à bonne distance et que les cyclistes ne devraient pas avoir de difficulté à les contourner, ce qui est d’autant plus vrai dans le cas d’un cycliste expérimenté comme le demandeur. Au surplus, ce dernier était familier avec le parc et connaissait la présence de ces obstacles sur la piste. Il est évident que les cyclistes ne sont pas tenus de parer à l’imprévisible. Toutefois, ils doivent en tout temps voir à leur propre sécurité, rouler avec vigilance et être en mesure de s’adapter à des situations requérant une intervention rapide. Dans le cas sous étude, le juge a déterminé que les bollards ne constituaient pas un piège pour un cycliste normalement prudent et diligent. Par conséquent, sa requête a été rejetée.
Il faut donc retenir de cette décision que les cyclistes ont un devoir de prudence et des obligations de sécurité lorsqu’ils utilisent les pistes cyclables publiques. En cas d’accident et en l’absence de tout piège, ils n’auront malheureusement qu’eux-mêmes à blâmer pour les dommages subis!
Marie-Claude Gagnon, avocate
En collaboration avec Me Élise Cloutier
1 Roberts c. Gatineau (Ville de), EYB 2012-214931
2 Poteau servant à délimiter une piste ou à alerter les cyclistes
3 Rubis c. Gray Rocks Inn Ltd, EYB 1982-149416