À de multiples reprises, dans le monde des affaires ou dans le public en général, nous entendons des gens discuter de la faillite comme étant une solution facile et automatique. Certains individus vont même jusqu’à dire que des entreprises ou des personnes physiques ont réussi des faillites profitables. Quoique le résultat d’une faillite puisse parfois laisser perplexe, il n’est pas aussi facile qu’on le pense de faire une cession de ses biens; encore moins automatique de la faire accepter.
Récemment, un contribuable l’a appris à ses dépens lorsque, après avoir déposé une cession de ses biens auprès d’un syndic de faillite, cette dernière a été annulée par le registraire de faillite à la demande d’une créancière. La Cour supérieure du district judiciaire de Montréal a par la suite confirmé la décision du registraire et donc annulé l’ordonnance de faillite.
Le débiteur, qui était docteur en médecine et alors résident de quatrième année en neurochirurgie, avait un salaire d’environ 55 000 $ et les perspectives étaient vraiment prometteuses pour lui. Le montant de ses créances était limité à 248 000 $. Le débiteur devait à la banque une somme d’environ 190 000 $ pour une marge de crédit contractée afin de refinancer ses études; son bilan faisait aussi état de dettes de plus de 52 000 $ relatives à un prêt étudiant de la province de Terre-Neuve et d’un prêt des études à la Banque CIBC. Seule une dette de quelque 7 430 $ à la banque sur une carte de crédit complète ce bilan. Il n’y avait pas d’autres créanciers, notamment en termes de loyer dû.
Faits importants : au moment où le débiteur rencontre le syndic et fait cession de ses biens, aucun de ses créanciers ne lui avait réclamé le paiement de ses dettes et il n’avait pas communiqué avec ces derniers pour discuter de possibles arrangements.
La Cour en conclut donc que c’est surtout en raison de pressions psychologiques subies par le débiteur dans l’anticipation de difficultés futures qu’il a décidé de faire cession de ses biens. Aucune dette qui forme son bilan n’est échue et il n’y a aucun effort réel du débiteur pour tenter de trouver une quelconque solution avec ses créanciers qui, par ailleurs, ne lui réclament pas pour l’instant les sommes dues, en raison notamment des perspectives de gains.
La Cour a confirmé la décision du registraire qui en était venu à la conclusion que le contexte montrait qu’il s’agissait d’une utilisation inopportune et peu optimale des protections que confère la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.
Le débiteur a tant bien que mal tenté de plaider que ses difficultés à remplir ses obligations familiales n’avaient pas été considérées. Cependant, à la lumière de l’analyse de son budget, bien que celui-ci soit serré, la Cour en est venue à la conclusion que la situation n’était pas ingérable et que les dépenses pouvaient aisément être assumées à même les revenus.
Il faut donc être très prudent avant d’y aller d’allégations généralisées, en croyant que l’utilisation de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité est une solution facile et quasi automatique. Il ne faut pas oublier qu’il y a des critères à respecter et que les tribunaux sont là pour surveiller l’utilisation de la loi. Son but est de permettre aux débiteurs malchanceux mais honnêtes, de se réhabiliter. Dans le cadre de difficultés financières, n’hésitez pas à consulter les professionnels de Simard Boivin Lemieux, avocats.
Alain Provencher, avocat