Isabelle Simard

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3 octobre 2012

LA SAUVEGARDE DES DROITS ET L’INJONCTION PROVISOIRE : BLANC BONNET OU BONNET BLANC?

Le droit québécois permet à quiconque, dans des circonstances qui le permettent, d’obtenir du tribunal des ordonnances afin de forcer toute personne, physique ou morale, à faire, à ne pas faire ou à cesser de faire ou d’accomplir un acte déterminé. Ces ordonnances prennent le vocable d’injonctions.

Un délai peut toutefois s’écouler entre le moment où se matérialise la situation que l’on veut voir cesser et la date où le dossier judiciaire d’injonction sera suffisamment complet pour être entendu par le tribunal. Encore ici, en cas d’urgence, il est possible d’obtenir des ordonnances d’injonction provisoires, valides pour une période de dix jours1.  La Loi prévoit aussi que le tribunal peut rendre toute « ordonnance nécessaire à la sauvegarde des droits des parties » pendant le temps et les conditions qu’il détermine.2

Les tribunaux appliquent généralement les mêmes critères dans les deux situations.

Toutefois, dans un jugement récent3,  la Cour Supérieure jette un éclairage nouveau et explique en quoi les règles régissant l’octroi d’une ordonnance de sauvegarde sont maintenant différentes de celles qui régissent l’octroi d’une ordonnance d’injonction provisoire, même si les critères applicables (urgence, apparence de droit, préjudice sérieux ou irréparable, prépondérance des inconvénients, etc.) sont désignés dans les deux cas par les mêmes expressions.

Dans cette affaire, la Fraternité des policiers et policières de Montréal recherche la destitution d’une dirigeante. D’entrée de jeu, elle a demandé plusieurs ordonnances de sauvegarde, dont celles de suspendre avec solde cette dirigeante, de ne pas la convoquer aux réunions du conseil de la Fraternité et de ne plus permettre qu’elle se présente à son siège social.

La Cour se demande : avant de décider si la Fraternité a droit aux ordonnances demandées, est-ce que la Fraternité sollicite une ordonnance de sauvegarde ou une injonction provisoire? Pour y répondre, la Cour constate notamment que :

  • Les dispositions législatives les régissant sont différentes;
  • La notion d’urgence diffère selon le cas : dans le cas de l’injonction provisoire, l’urgence signifie la nécessité d’agir rapidement afin d’empêcher un préjudice irréparable au demandeur, alors que dans le cas de la sauvegarde, l’urgence signifie essentiellement la nécessité de maintenir le statu quo afin de sauvegarder les droits des parties;
  • Le but de l’ordonnance d’injonction provisoire est d’éviter un préjudice irréparable à celui qui la demande, alors que l’ordonnance de sauvegarde vise en principe la sauvegarde des parties;

De ces règles que la Cour estime fondamentalement différentes, elle retient donc que la Fraternité recherche une ordonnance de sauvegarde afin de lui permettre de cheminer jusqu’à l’audition au mérite. Elle considère que ces ordonnances ne sont pas nécessaires pour la sauvegarde des parties et que la Fraternité n’en subirait pas un préjudice irréparable si de telles ordonnances n’étaient pas rendues. À l’inverse, il serait objectivement impossible de replacer rétroactivement la dirigeante dans ses fonctions au conseil. La situation durait déjà depuis deux mois, et la cause serait entendue dans moins de deux mois.

Reste maintenant à voir l’effet concret des nuances avancées dans cette cause et leur application par nos tribunaux.

Pour toute situation où un tel type d’ordonnances vous serait utile, n’hésitez pas à consulter notre équipe de professionnels du litige qui sauront bien vous conseiller.

Isabelle Simard, avocate


1  Article 753 C.p.c.

2  Article 754.2 C.p.c.

Fraternité des policiers et policières de Montréal  c.  Trudeau, 500-17-073321-120, 22 août 2012

© Simard Boivin Lemieux, 2014. Tous droits réservés.

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