Isabelle Simard

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15 juin 2012

L’ANCIEN PROPRIO DANS L’ENTREPRISE : COMMENT APPLIQUE-T-ON LES CLAUSES DE NON-SOLLICITATION ET DE NON-CONCURRENCE?

Comment doit-on interpréter les clauses de non-concurrence ou de non-sollicitation, souscrites dans un contexte d’une vente d’entreprise, lorsque l’ancien actionnaire poursuit son lien d’emploi avec l’entreprise?

D’apparence simple, ce débat soulève des questions juridiques assez complexes dont le mérite sera entendu par le plus haut tribunal de notre pays. La Cour Suprême du Canada a en effet permis le 17 mai 2012 l’autorisation d’en appeler du jugement rendu en Cour d’Appel du Québec en décembre 2011, avec dissidence.1

Guay inc., entreprise spécialisée dans le domaine de la location de grues, a acheté les actifs d’un groupe d’entreprises dont le défendeur Payette participait au contrôle. Le contrat comportait des clauses de non-concurrence et de non-sollicitation d’une durée de cinq ans qui couraient à partir de la vente ou pour Payette, à partir de la date où il cesserait d’être à l’emploi du groupe.

En effet, le contrat de vente prévoyait une période transitoire pour Payette qui offrait son concours comme consultant aux nouveaux propriétaires pour une période de six mois. Par la suite, Payette accepta toutefois de travailler pour les entreprises du groupe comme directeur des opérations. L’entente de travail a été conclue pour trois ans, mais a été appliquée dans les faits un an après son expiration, jusqu’au congédiement de Payette.

Guay inc. a fondé son congédiement sur des fautes graves liées à des comptes de dépenses irréguliers et à une prestation de travail irrégulière et déficiente de Payette.

Les parties se sont entendues sur une indemnité de fin d’emploi. En appel, il est acquis que Payette avait été congédié sans motif sérieux.

Payette conclura un contrat de travail avec Mammoet Crane inc. qui œuvre dans le même domaine que Guay inc.  Dans la même période, sept des employés de Guay quittent pour travailler  chez Crane.

Guay inc. dépose dès après une procédure en injonction pour demander le respect des clauses de non-concurrence et de non-sollicitation contre Payette et son nouvel employeur Crane.

La Cour Supérieure a rejeté l’injonction. En effet, la Cour s’est fondée sur l’article 2095 du Code civil du Québec qui est une règle propre au contrat de travail, qui énonce que l’employeur ne peut se prévaloir d’une clause de non-concurrence s’il a résilié un contrat sans motif sérieux, ou s’il a lui-même donné au salarié un tel motif de résiliation.

Guay inc. a plaidé que les clauses restrictives de non-concurrence et de non-sollicitation étaient liées au contrat de vente des actifs, et non au contrat de travail, et que cette disposition du Code ne s’appliquait donc pas. La Cour d’appel, en majorité, lui a donné raison et a conclu que les clauses restrictives avaient été souscrites en raison de la vente d’entreprise, et non du fait qu’il y avait ou aurait transition de Payette comme salarié. Le paiement de 26 millions par Guay inc. pour les actifs justifie selon la Cour que les acquéreurs veuillent protéger leur investissement. Le fait que Payette ait continué de travailler après la vente ne change en rien cette évidence. Ici, l’engagement de ne pas faire concurrence ou de ne pas solliciter les employés résultait d’une négociation entre les parties, entre gens d’affaires avertis et conseillés.

L’Honorable juge Thibault, dissidente, exprime que rien ne lui permet de croire que les parties ont voulu se soustraire aux dispositions légales dans le cadre du contrat de travail conclu par Payette après la période transitoire. Tout employeur qui congédie sans motif sérieux serait selon elle malvenu de miser sur le caractère accessoire du contrat de travail dans le cadre d’une vente d’entreprise, pour évacuer les obligations attachées à tel contrat de travail.

Le débat est à suivre en Cour Suprême du Canada.

Isabelle Simard, avocate


1  Guay inc.  c.  Payette, Cour d’Appel du Québec, 12 décembre 2011, en appel devant la Cour Suprême du Canada

© Simard Boivin Lemieux, 2014. Tous droits réservés.

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