Il y a déjà plus de 15 ans, la Cour suprême du Canada nous enseignait qu’il existe une obligation de renseignement, fondée sur l’exigence de la bonne foi, dans le cadre d’un contrat conclu par voie d’appel d’offres.
On pourrait définir cette obligation de renseignement du donneur d’ouvrage comme l’obligation d’informer les contractants des faits du projet dont il a une connaissance, réelle ou présumée, de nature déterminante alors que les contractants n’ont pas toujours la possibilité de se renseigner eux-mêmes.
Cette obligation est encore bien présente dans le monde juridique d’aujourd’hui et a d’ailleurs fait l’objet d’une récente décision de la Cour d’appel du Québec, qui a rappelé son importance dans le cadre contractuel particulier du processus des appels d’offres1.
Dans cette affaire, la Municipalité devait procéder au remplacement d’un réservoir d’eau désuet. Avant la réception par les autorités publiques du certificat d’autorisation, elle lance l’appel d’offres. Quelques semaines plus tard, la Municipalité octroie le contrat à un entrepreneur, et les travaux débutent presqu’immédiatement. Or, en cours de chantier, la firme d’ingénierie suspend les travaux : la Municipalité n’ayant pas reçu le certificat d’autorisation du Ministère concerné. Ce n’est que quelques semaines plus tard que les travaux pourront reprendre, à la suite de l’émission du certificat d’autorisation, retardant la date prévue de la fin des travaux d’autant.
L’entrepreneur a reproché à la Municipalité de ne pas lui avoir dévoilé le fait qu’elle n’avait pas en main l’autorisation requise des autorités pour effectuer les travaux. La Municipalité a, quant à elle, prétendu que le fait de ne pas avoir averti les soumissionnaires qu’elle ne disposait pas encore du certificat d’autorisation n’était pas une faute en soi et que de surcroît, elle avait avisé la firme retenue pour les travaux, lors d’une rencontre préparatoire, que la construction était conditionnelle à l’obtention du certificat d’autorisation.
La Cour d’appel n’a pas retenu cette argumentation. Bien au contraire, elle a été d’avis que la Municipalité, en omettant d’informer les soumissionnaires que le Ministère n’avait pas encore émis le certificat d’autorisation, n’avait pas respecté son obligation de renseignement. Elle a considéré que cette information dans le contexte des travaux était déterminante, et ce, malgré l’expertise dans ce domaine de l’entrepreneur. Celui-ci était en droit de se fier à l’information qu’il avait reçue pour préparer sa soumission.
Comme l’émission tardive du certificat d’autorisation a provoqué un retard qui a engendré un dommage direct pour l’entrepreneur, la soumission de ce dernier ne reflétait donc plus la réalité économique. La Cour d’appel a conclu que cette faute de la Municipalité de renseigner adéquatement dans le cadre de son appel d’offres était en lien direct avec le dommage subi par l’entrepreneur qui avait droit à réparation.
Les donneurs d’ouvrage ont donc l’obligation de donner toute l’information nécessaire aux soumissionnaires lorsque celle-ci peut entraîner des modifications au contrat à intervenir entre les parties. Soyez donc attentifs aux clauses d’appel d’offres et, en cas de doute, n’hésitez pas à consulter votre conseiller juridique.
Par Isabelle Simard, avocate
En collaboration avec Joël Brassard-Morissette, stagiaire en droit
1 Sainte-Agathe-de-Lotbinière (Municipalité) c. Construction BSL inc., J.E. 2009-303 (C.A.), EYB-2009-153544 (C.A.)