13 mai 2013

LE DROIT DE SUITE EN RELATIONS DE TRAVAIL

Il arrive régulièrement qu’une entreprise, pour des raisons d’économie, de compétitivité ou d’expansion, décide d’en acheter une autre pour opérer ses installations. Une telle transaction n’est pas sans effet sur les relations de travail.

Bien au contraire, cette situation entraîne de nombreuses conséquences juridiques entre les employés de l’entreprise achetée et le nouvel employeur. La question qui revient régulièrement : qu’advient-il des contrats individuels et collectifs de travail, intervenus entre les employés et l’ancien employeur?

Les répercussions varient en fonction du statut de l’employé au sein de l’entreprise, c’est-à-dire selon qu’il soit cadre supérieur, syndiqué ou salarié couvert par les normes minimales du travail en matière d’emploi1.

S’il s’agit d’un cadre supérieur, par exemple le président-directeur général de l’entreprise achetée, les règles générales du Code civil du Québec2 concernant le contrat de travail s’appliquent. Plus précisément, l’article 2097 prévoit qu’une vente d’entreprise n’a pas pour effet de mettre fin au contrat de travail de ce genre d’employé.

La présence d’un nouvel employeur qui continue d’opérer l’entreprise ne rompt pas le lien d’emploi avec l’employé. Le nouvel employeur ne pourra mettre fin au contrat de travail. S’il désire le faire, il devra prouver l’existence d’un motif sérieux lié au défaut de l’employé de s’acquitter de ses obligations ou, en l’absence d’un tel motif, utiliser le mécanisme de la résiliation en prévoyant un délai-congé raisonnable en faveur de l’employé, conformément à l’article 2091.

Quant aux travailleurs syndiqués, la vente d’une entreprise n’invalide aucune de leur accréditation et aucune convention collective selon ce qui est prévu au Code du travail3. L’article 45 protège la structure syndicale de l’entreprise achetée.

Cela veut dire que le nouvel employeur devient titulaire des obligations résultant à la fois de l’accréditation et de la convention collective. En revanche, il hérite également des droits de l’employeur précédent en vertu de la convention collective. À titre d’exemple, l’instruction d’un grief en cours se poursuivrait dans les mains de la nouvelle entreprise. Alors, il est sage, lors d’une transaction visant l’achat d’une entreprise, que celle qui achète s’enquière préalablement des griefs en cours auprès de la Commission des relations du travail.

En ce qui concerne les employés couverts par la Loi sur les normes du travail4, l’article 97 prévoit la continuité de la protection desdites normes. En d’autres termes, le nouvel employeur est lié par le contrat de travail, et l’employé bénéficie de tous les recours pour lesquels il se qualifie en vertu de ladite loi. Ces recours peuvent être utilisés tant pour des mesures prises par l’ancien que par le nouvel employeur. D’où l’importance pour l’entreprise qui achète de se renseigner, lors de l’achat, sur les litiges en cours concernant les normes du travail.

En somme, les articles 2097 du Code civil du Québec, 45 du Code du travail et 97 de la  Loi sur les normes du travail visent à mettre les employés à l’abri des turbulences que peut occasionner le changement d’employeur. C’est une protection particulière au monde des relations du travail qui fait échec à l’effet relatif des contrats en matière civile et qui devrait préoccuper toutes les entreprises prévoyant faire de telles acquisitions. C’est ce que l’on appelle le triptyque législatif du droit de suite en relations de travail.

Michaël Parent, avocat


1  Loi sur les normes du travail, L.R.Q., c. N-1-1.

2  Code civil du Québec

3  Code du travail, L.R.Q., c. C-27.

4  Supra, note 1

© Simard Boivin Lemieux, 2014. Tous droits réservés.

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