Le journaliste est certainement l’un des importants personnages de notre société, influençant sérieusement l’opinion publique. Il a pour mission première d’informer et se doit d’être un témoin de premier plan de la vérité. Lorsque l’intérêt public le justifie et pourvu qu’il le fasse à l’intérieur de limites raisonnables, il a le droit et le devoir de critiquer et de publier des informations exactes, même si elles peuvent engendrer des inconvénients sérieux pour les personnes visées et parfois, même si elles viennent en contradiction avec des droits et libertés protégés par la Charte, par exemple la réputation d’une personne.
Quels sont les paramètres dont doit tenir compte un journaliste afin de s’assurer de respecter ces limites raisonnables?
Dans l’affaire Gestion finance Tamalia inc. c. Garrel, le magazine Option consommateurs, en collaboration avec un professeur du milieu médical, a publié un article de mise en garde à l’encontre des services offerts par un centre de santé minceur. Cet article traitait, entre autres, de la dangerosité et de l’inutilité de certains produits naturels qu’offrait le centre de santé à ses clients, de l’inutilité de certains appareils d’entraînement, de la divulgation d’informations totalement fausses, allant même jusqu’à qualifier la pratique du centre de santé » d’escroquerie totale « . Le Centre de santé a donc intenté un recours en dommages et intérêts pour propos diffamatoires et mensongers contre le magazine et contre l’auteur de l’article.
La réputation d’une personne est protégée par les chartes applicables, mais ces mêmes chartes protègent également les libertés fondamentales de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de presse.
Bien que l’atteinte à la réputation soit regrettable, les tribunaux doivent prendre soin d’appliquer les règles de responsabilité journalistique de manière à ne pas paralyser les débats ouverts sur des questions d’intérêt public.
Les journalistes ont une obligation de moyens envers le public, ce qui implique le soin raisonnable dans la préparation et la diffusion de leurs textes.
Pour évaluer si les auteurs de cet article avaient agi de façon raisonnable, le tribunal a tout d’abord analysé la véracité des propos tenus à l’encontre de l’entreprise, tels que la mention de publicités sous le thème « perdez 30 livres en 30 jours », et la dangerosité et l’inefficacité de certains produits. Après analyse, ces propos se sont avérés justes, et le tribunal a conclu que caractériser ces pratiques d’escroquerie totale constituait une opinion tout à fait apte et raisonnable dans le contexte de l’éditorial publié. Il faut dire qu’entre le moment de la publication de l’article et le procès, la Clinique d’amaigrissement avait fait l’objet d’une enquête formelle par le Commissaire de la concurrence, et ses pratiques avaient été qualifiées de trompeuses et fausses.
Le juge a conclu que la défense de commentaire loyal s’appliquait ici : les commentaires émis portant sur une question d’intérêt public étaient basés sur des faits véridiques. Les auteurs étaient justifiés d’exprimer honnêtement cette opinion vu les faits prouvés, et il n’y avait aucune intention malveillante de leur part.
En tant que journaliste prudent et averti, assurez-vous toujours de la raisonnabilité de vos propos eu égard à l’exactitude des faits.
Marie-Claude Gagnon, avocate