Le Législateur québécois a été le premier au Canada à offrir le recours collectif aux justiciables en l’introduisant aux articles 999 et suivants du Code de procédure civile. Il a même pourvu à la création d’un Fonds d’aide aux recours collectifs, lequel est régi par une loi spéciale.
Si le recours collectif s’avère maintenant un véhicule procédural mieux compris et plus utilisé, il n’en demeure pas moins qu’il est encore méconnu. Nous tenterons avec cet article de le faire connaître un peu.
Les objectifs et les avantages
Le recours collectif permet le regroupement d’actions individuelles semblables. La Cour suprême du Canada a d’ailleurs établi plusieurs avantages à cette procédure. [Réf: (1996) 3 R.C.S. 347]
Premièrement, par le regroupement d’actions individuelles semblables, les recours collectifs permettent de faire des économies au plan judiciaire en évitant la duplication inutile.
Deuxièmement, comme les frais fixes peuvent être divisés entre un grand nombre de demandeurs, les recours collectifs donnent un meilleur accès à la justice en rendant économiques des poursuites qui auraient été trop coûteuses pour être intentées individuellement. Sans les recours collectifs, la justice n’est pas accessible à certains demandeurs, même pour des réclamations solidement fondées.
Troisièmement, les recours collectifs servent l’efficacité et la justice en empêchant des malfaisants éventuels de méconnaître leurs obligations envers le public. Les défendeurs éventuels qui pourraient autrement présumer que de petits méfaits ne donneraient pas lieu à un litige peuvent être dissuadés.
Au bénéfice de qui?
Avant 2003, seule une personne physique pouvait être membre d’un groupe pour le compte duquel un recours collectif était exercé et pouvait agir à titre de représentante des membres du groupe. Depuis janvier 2003, une personne de droit privé, une société ou une association, peut être membre du groupe en autant qu’elle ait moins de cinquante employés.
Cependant, seule une personne physique peut faire une demande d’aide financière au Fonds d’aide aux recours collectifs (FARC). Le cas de recours mixte de personnes physiques et morales n’est pas abordé; on ignore alors comment le FARC réagira à ce type de demande.
Dans quels cas?
Un recours collectif suit deux étapes : celle de l’autorisation préalable et celle du mérite, si le recours est autorisé.
L’étape de l’autorisation est importante puisqu’elle permet au tribunal de filtrer les demandes qui lui sont faites et de s’assurer que quatre critères essentiels sont respectés pour qu’un représentant puisse être reconnu pour un recours commun.
Puisque ces critères [article 1003 Cpc] font encore l’objet de nombreux jugements et d’une lutte d’opinions férocement opposées de la part des plaideurs concernés (dont les auteurs de cette chronique), la sagesse et la prudence imposent ici de vous les reproduire sans faire de commentaires :
« Le tribunal autorise l’exercice du recours collectif et attribue le statut de représentant au membre qu’il désigne s’il est d’avis que :
- les recours des membres soulèvent des questions de droit ou de faits identiques, similaires ou connexes;
- les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées;
- la composition du groupe rend difficile ou peu pratique l’application des articles 59 ou 67 C.p.c.;
- le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres. »
Une fois le recours autorisé, le juge joue un rôle très important. En plus de son rôle traditionnel, il peut notamment prescrire toute mesure susceptible d’accélérer le développement du dossier ou simplifier la preuve, ordonner la publication d’avis, modifier le jugement d’autorisation, scinder le groupe. C’est lui qui approuve les honoraires des avocats, les règlements entre les parties, etc.
Tout cela est d’ailleurs rassurant pour les membres du groupe (qui sont absents tout au long des procédures) pour le compte duquel un représentant seulement agit.
En conclusion, il est vrai que la procédure de recours collectif existe au Québec depuis 25 ans. Mais, pour les juristes, 25 ans, c’est encore un droit jeune. La procédure elle-même fait encore l’objet de débats importants. Les questions de fond aussi. Il en reste probablement plus à écrire qu’il n’y en a d’écrit sur le sujet. Chaque cas apporte ses questions de faits et de droit. Il faut bien les analyser. Nous pouvons en témoigner pour avoir agi en demande dans plusieurs dossiers.
Serge Simard, avocat