Dans le cadre de la réalisation de contrats de construction, il n’est pas rare que l’entrepreneur général fasse valoir auprès du maître d’œuvre la ou les réclamations de ses sous-traitants.
Il arrive souvent d’entendre d’un sous-traitant que son entrepreneur lui a indiqué qu’il ferait valoir sa réclamation auprès du maître d’œuvre, à travers sa propre réclamation, sans toutefois s’engager à quelque résultat ou paiement. Souvent, ce sous-traitant attend patiemment le sort du traitement de sa réclamation par le maître d’œuvre, sans succès tangible. Qui peut réclamer et à qui? Quand et comment?
Un récent jugement très étoffé1 (près de 300 pages pour 62 jours de procès!) en matière de réclamation en construction aborde cette question dans l’un de ses chapitres. Dans cette affaire, Dawcoelectric (Dawco) a réalisé, à titre d’entrepreneur général pour Hydro-Québec, un contrat dans le cadre de la réhabilitation et de la modernisation de la Centrale de Beauharnois. Construction Solimec (Solimec) a exécuté en sous-traitance des travaux de mécanique. Les deux poursuivent directement Hydro-Québec pour des coûts additionnels, coûts indirects et d’impacts résultant de changements non prévisibles au chantier.
Hydro-Québec a plaidé que Solimec étant un sous-traitant de Dawco, elle n’avait aucun lien contractuel avec elle et ne pouvait lui réclamer directement la compensation. La Cour confirme qu’à titre de sous-traitant, Solimec n’avait aucun recours contractuel contre Hydro-Québec. Le seul recours de Solimec en était donc un de nature extracontractuelle, en prouvant la négligence du maître d’œuvre, soit dans son obligation de renseignement ou plus généralement, son obligation d’agir raisonnablement. Or, les événements reprochés à Hydro-Québec s’étant déroulés au delà du délai de trois ans au moment du dépôt des procédures, la Cour a conclu que le recours de Solimec était prescrit.
Hydro-Québec a aussi plaidé que, comme la plupart des travaux de construction en cause à l’origine de la réclamation de Dawco étaient ceux du sous-traitant Solimec, et puisque ce sous-traitant n’avait pas réclamé judiciairement à l’entrepreneur Dawco pour interrompre la prescription, ce dernier ne pouvait donc rien réclamer à Hydro-Québec au lieu et place de son sous-traitant Solimec.
Les relations spéciales entre l’entrepreneur et son sous-traitant n’ont pas eu pour résultat de modifier le rapport contractuel entre l’entrepreneur et le maître d’œuvre. En effet, Dawco et Solimec se sont présentés comme des partenaires » indissociables et interchangeables « , étant des entreprises apparentées ayant les mêmes actionnaires majeurs, partageant le même siège social et les mêmes services administratifs et d’infrastructures. Les deux entreprises avaient même conclu une entente de rémunération du risque du contrat, y compris pour les démarches de la réclamation.
La Cour a conclu que bien que Dawco avait droit à la réparation intégrale du préjudice subi, cela ne pouvait inclure ce qu’elle n’était plus tenue de payer à ses sous-traitants. Or, comme ses sous-traitants n’avaient pas interrompu la prescription en déposant des procédures contre leur entrepreneur Dawco dans le délai légal, elle ne pouvait prétendre à cette demande de compensation pour tout ce qui n’était pas inclus dans le prix contractuel.
Une bonne partie de la réclamation du sous-traitant Solimec a donc été ignorée dans ce contexte. Ce jugement démontre qu’il est fort important pour tout entrepreneur et sous-traitant d’être vigilant au moment d’identifier le responsable d’une réclamation, et pour le respect des délais contractuels et judiciaires de toute réclamation pour coûts additionnels, impacts ou dommages.
Isabelle Simard, avocate
1 Dawcoelectric inc. et Construction Solimec inc. c. Hydro-Québec, 11 novembre 2011, 500-17-035584-070,
En appel à la Cour d’appel du Québec : 2014 QCCA 948