Les tribunaux ont récemment confirmé de nouveau l’importance de privilégier la stabilité de l’enfant et de la famille, et ce, au détriment de la réalité biologique. Voici un cas pratique qui a été soumis à la Cour supérieure.
Monsieur X est conjoint de fait de madame depuis 1998, et cette dernière a donné naissance à leur fille en 2002. Monsieur X a assisté à la naissance de l’enfant, a participé à son éducation pendant trois ans avant de se séparer de la mère. Malgré la séparation, monsieur a respecté ses droits de garde pendant une année. Un an après la séparation du couple, monsieur X reçoit un coup de fil d’un autre homme prétendant être le père biologique de sa fille. Sur la base de soupçons, monsieur X fait passer un test d’ADN à l’enfant, et le test confirme ses soupçons, à savoir qu’il n’est pas le père de la petite fille. Malgré que le nom de monsieur X soit inscrit à l’acte de naissance de l’enfant et qu’il ait agi pendant quatre ans comme père de celle-ci, monsieur X dépose au Tribunal une requête en rectification d’acte de naissance et en contestation d’état de filiation paternelle. Selon monsieur X, le Tribunal doit déterminer qui est le père de la fillette.
La Loi québécoise a figé un principe voulant que l’intérêt de l’enfant prime avant tout sur la réalité biologique. La Loi a tranché entre deux positions distinctes, à savoir ce qui prime entre les liens génétiques et le meilleur intérêt de l’enfant.
Au Québec, il faut savoir qu’il existe deux catégories de filiation : la filiation par le sang et la filiation par adoption. Dans le cas présent, nous sommes en présence d’une filiation par le sang, et cette dernière s’établit en premier lieu par l’acte de naissance. À défaut d’avoir de l’information sur l’acte de naissance, nous devons alors référer à la possession constante d’état, qui se caractérise par trois éléments qui peuvent être pris en considération : si l’enfant porte le nom du parent, si l’enfant est entretenu et éduqué par ceux qu’il désigne comme étant son père et sa mère, et s’il est reconnu notoirement dans son entourage, comme le père de l’enfant. Également, le législateur a prévu dans le cas du couple marié ou des conjoints unis civilement une présomption. En effet, l’enfant issu du mariage ou de l’union civile est présumé avoir pour père le conjoint de sa mère. Il s’agit d’une filiation inattaquable.
En d’autres mots, à partir du moment où le père signe l’acte de naissance et prend soin de l’enfant, il a deux ans pour contester sa paternité dans le cas de conjoint de fait. Chez un couple marié, l’homme est présumé être le père de l’enfant même s’il ne signe pas l’acte de naissance, et il a un an à partir de la naissance de l’enfant pour en contester la paternité.
Par conséquent, dans le cas présent, monsieur X aurait pu contester la paternité dans les premières années suivant la naissance de l’enfant mais aujourd’hui, l’option n’est plus envisageable puisque la Loi prévoit qu’il est le père de l’enfant, et ce, malgré le fait qu’il n’était pas au courant des nouveaux faits et qu’un test d’ADN lui donne raison.
Dans le cas de monsieur X, les Tribunaux ont rejeté ses recours judiciaires, et ce, tant au niveau de la Cour d’appel que la Cour suprême du Canada. Malgré que monsieur X ne désire plus côtoyer sa fillette et n’ait aucun lien biologique avec celle-ci, il demeurera le père de l’enfant et devra assumer une pension alimentaire pour celle-ci.
La Loi actuelle fait en sorte qu’il est très difficile de contester la filiation dans un cas comme celui de monsieur X. L’importance de la famille et l’intérêt de l’enfant passent par la stabilité filiale, et ce, en laissant de côté parfois la réalité des gènes.
Sarah Laprise-Martel, avocate