Sur la place publique, on entend de tout… Mais quelle est la différence entre l’opinion, l’injure et la diffamation?
Prenons pour exemple M. Bavard qui publie que monsieur le ministre Untel est un « incompétent »sur un blogue. Il y a le coût politique d’une opinion, mais quel est le risque auquel s’expose M. Bavard? Tout dépend de ce qu’il dit et de quelle façon il le dit.
Partons du principe de base que nous avons tous le droit à la liberté d’expression. Mais où se trace la limite de ce droit? Le philosophe répond : « Elle se trace là où la liberté de l’autre commence ». Les tribunaux québécois et canadiens ont eu à tracer ces limites dont voici les grandes lignes.
Le fait de s’attaquer à la réputation de quelqu’un constitue, en soi, une faute sur le plan civil, et l’auteur de l’attaque est susceptible d’être poursuivi en justice. Par exemple, M. Bavard publie que le ministre Untel est « corrompu » et le lie à des membres du crime organisé, sans toutefois pouvoir fournir de preuves tangibles de ce qu’il avance. C’est un exemple classique de diffamation, car l’image de M. le ministre est ternie par la tenue de tels propos. Dans notre exemple, la corruption alléguée est directement liée à sa fonction de ministre : la faute est donc très grave.
La notion d’injure est, elle aussi, un abus de la liberté d’expression de l’auteur, mais son traitement sera différent. Pour illustrer nos propos, Bavard écrit plutôt que M. le ministre est un « idiot ». Il s’agit, cette fois, d’une injure. On la qualifiera comme telle, car le dommage est plutôt limité à la victime. Ce sont des propos blessants pour celle-ci, mais elle n’est pas nécessairement discréditée aux yeux de tous. Il pourrait y avoir faute, mais elle sera d’importance plus faible que les précédentes.
Au surplus, il n’est pas nécessaire que l’information publiée soit fausse! Imaginons que M. Bavard publie que le ministre Untel est le cousin d’une personne reconnue coupable de meurtre, alors que le ministre n’est aucunement impliqué dans ce crime. Même si l’information est vraie, il s’agit de diffamation, car l’objectif poursuivi est de relier le nom du ministre à un criminel pour le discréditer aux yeux du public.
On peut donc résumer en disant, qu’en matière de diffamation, le dommage subi par la victime est directement lié à la gravité de la faute et à l’intention de l’auteur d’entacher la réputation. Il est évident que le nombre de personnes qui reçoivent le message diffamant, et l’identité de ces personnes par rapport à la victime, auront une grande influence sur le dommage subi.
Nous sommes tout un chacun responsables de nos commentaires, peu importe sur qui, où et à qui nous les transmettons. La réputation de chaque personne est protégée par la Loi; la liberté d’expression doit donc être exercée avec prudence. Que M. Bavard y songe avant de « bloguer », « twitter » ou écrire sur « Facebook »!
Yan Lapierre, avocat