Que ce soit pour des raisons d’ordre fiscal ou pas souci de protection de vos actifs personnels, plusieurs d’entre vous avez opté pour opérer votre activité économique par l’intermédiaire d’une personne morale bien précise, soit une société par actions communément appelée « compagnie ».
Comprenons-nous bien : une compagnie requiert une incorporation; nous ne parlons pas ici d’une simple déclaration déposée au Registre central créé en vertu de la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales, mais bien de l’obtention d’un certificat de constitution délivré à la suite du dépôt de statuts de constitution au provincial ou de statuts constitutifs au fédéral. Cette compagnie aura une personnalité juridique, des actifs, des droits et des obligations distincts de ceux de ses actionnaires
À la lumière de notre expérience acquise au fil de plus 27 ans de pratique active dans le domaine, la majorité des compagnies constituées, tant au Québec qu’au Canada, comptent plusieurs actionnaires; que ce soit des membres de la même famille, des amis ou de simples relations d’affaires, plusieurs partenaires décident de se regrouper pour joindre leurs deniers, talents, efforts et énergies à l’intérieur d’une compagnie. À partir du moment où une telle compagnie compte plus d’un actionnaire, il se crée nécessairement un réseau juridique de droits et d’obligations entre les actionnaires.
Comment ce réseau fonctionne-t-il? Qui prendra les décisions, de quelle façon, en fonction de quels critères? Quel sera le rôle de chaque actionnaire? Qu’est-ce qui freinera l’appétit de l’actionnaire détenant plus de 50 % des actions votantes? Si je veux vendre mes actions, que dois-je faire? Quelle sera la valeur des actions au cas où un ou plusieurs des actionnaires veulent vendre? Qui pourra acheter des actions de la compagnie, à quel prix et quelles seront les modalités de paiement?
Que se passe-t-il si je meurs, devrai-je accepter la femme ou les enfants du ou des autres actionnaires comme nouvel ou nouveaux actionnaires? Dois-je assurer ma vie en tant qu’actionnaire? Qui doit payer les primes et à qui bénéficiera l’indemnité d’assurance? Quelles sont les décisions que je souhaite voir être prises par les actionnaires plutôt que par le conseil d’administration? Y a-t-il des sujets qui méritent une majorité spéciale avant qu’une décision soit prise? Qui peut signer au conseil d’administration? Même si je détiens moins de 50 % des actions, puis-je élire un ou des administrateurs pour me représenter?
Si je suis congédié comme employé de la Compagnie, qu’arrive-t-il de mes actions, puis-je les garder, dois-je les vendre, à quel prix et comment vais-je être payé? Si un actionnaire vole la compagnie, que puis-je faire? S’il faut remettre de l’argent dans la compagnie, suis-je obligé de le faire et qu’adviendra-t-il de mon pourcentage d’actions si je n’ai pas les moyens? En cas d’émission de nouvelles actions, quels sont mes choix? Puis-je hypothéquer mes actions? Les actionnaires peuvent-ils faire concurrence à la Compagnie? Si je deviens malade ou invalide, qu’arrive-t-il de mes actions? Qu’arrive-t-il si un des actionnaires fait faillite? Suis-je obligé de cautionner les emprunts de la Compagnie?
Voilà quelques-unes des questions auxquelles peut et doit répondre une bonne convention d’actionnaires. Ne vous y trompez pas; si vous êtes actionnaire d’une compagnie avec un ou plusieurs autres individus, vous devez connaître les règles du jeu et être d’accord avec celles-ci.
Achetez-vous une automobile sans savoir combien elle coûte, quelle est sa couleur, la force de son moteur et sa consommation d’essence? Évidemment non.
Il en va de même de votre qualité d’actionnaire. Exigez une convention d’actionnaires, de préférence une convention unanime. Attention au bon samaritain qui vous en offre une pas chère toute faite d’avance! Chaque convention doit être individualisée en fonction du type d’entreprise exercé, de l’âge, du sexe, de la scolarisation, du métier et des intérêts de chacun des actionnaires.
Consultez un homme ou une femme de loi, de préférence une avocate ou un avocat, expérimenté dans le domaine qui, grâce à son expérience devant le tribunal, saura vous conseiller adéquatement et vous proposer des solutions qui ne risquent pas d’être annulées ou modifiées ultérieurement par un tribunal. Dans cette matière, comme pour votre santé, prévenir vaut mieux que guérir.
Claude Lemieux, avocat