La Loi sur la santé et la sécurité du travail définit à son article 1 que le maître d’œuvre est : « le propriétaire ou la personne qui, sur un chantier de construction, a la responsabilité de l’exécution de l’ensemble des travaux ».
La définition prend toute son importance lorsque des évènements majeurs surviennent sur un chantier de construction et que la Commission de la santé et sécurité du travail procède à une enquête qui mènera à l’émission d’un constat d’infraction ou dépôt d’une accusation.
C’est ce qui s’est produit le 30 septembre 2006, lorsqu’un monteur, engagé par l’entreprise Sintra inc., a fait une chute mortelle d’une tour lors de travaux réalisés dans le cadre d’un contrat intervenu avec Hydro-Québec. À la suite de cet accident, un enquêteur de la CSST, dans son rapport, a mentionné, s’en tenant au seul contenu des documents d’appel de soumissions et du formulaire d’avis d’ouverture d’un chantier de construction, qu’Hydro-Québec en était le maître d’œuvre.
En conséquence de cette conclusion de l’enquêteur de la CSST, une poursuite pénale sous l’article 237 de la Loi a été déposée selon les termes suivants : « en tant que maître d’œuvre sur un lieu de travail situé à Montréal, arrondissement Lachine, Hydro-Québec a compromis directement et sérieusement la santé, la sécurité ou l’intégrité physique d’un travailleur lors de l’exécution de travaux en hauteur, celui-ci n’étant pas protégé contre les chutes en hauteur. »
Ainsi, la question que le tribunal a dû trancher était la suivante : Qui agissait comme maître d’œuvre au sens de la Loi selon la définition prévue à l’article 1?
Comme il a été mentionné précédemment, le contrat intervenu entre les parties prévoyait qu’Hydro-Québec était le maître d’œuvre; la CSST a donc émis un constat d’infraction à cette dernière, sans pousser son analyse plus loin.
Le juge de la Cour du Québec a retenu qu’il ne faut pas se limiter strictement à l’analyse des clauses contractuelles et que le législateur entend par maître d’œuvre, la personne qui, sur le chantier et dans l’action concrète, exerce cette tâche. La Cour en est venue à la conclusion que la CSST n’a pas prouvé, hors de tout doute raisonnable, qu’Hydro-Québec en était le maître d’œuvre.
En révision, le juge de la Cour supérieure a repris essentiellement le raisonnement du premier juge et ajouté qu’il était mal fondé en droit de prétendre que l’identification du maître d’œuvre sur un chantier de construction doit être faite avant le début des travaux. En effet, il se peut que la nature des rapports change en cours de route, d’où l’importance d’identifier le maître d’œuvre au jour précis de la passation d’une commande spécifique pour le chantier ou d’un manquement à une disposition pénale.
La Cour d’appel, en juillet 2011, a donc dû trancher. Celle-ci en est venue à la conclusion, en analysant la délimitation du chantier, le contrôle de l’exécution des travaux et les rapports juridiques entres les parties en présence, que l’entrepreneur agissait comme véritable maître d’œuvre par le choix de la méthode d’exécution, l’engagement des travailleurs requis et les services d’un sous-entrepreneur pour l’assister dans l’exécution des travaux. Pas un employé d’Hydro-Québec, en aucun moment, n’a participé à l’exécution des travaux, ni au choix de la méthode de démantèlement.
Par conséquent, la Cour d’appel a confirmé la décision des deux instances inférieures et confirmé la non-culpabilité d’Hydro-Québec.
Que ce soit sur un chantier commercial, industriel ou résidentiel, la notion de maître d’œuvre est très importante lorsque surviennent des évènements malheureux. Non seulement la décision rendue par la Cour d’appel démontre qu’il ne faut pas s’en remettre uniquement à un contrat pour se décharger de toute responsabilité, mais bien analyser l’ensemble des relations intervenues entre les parties et la réalisation des travaux sur le chantier.
Alain Provencher, avocat