Yan Lapierre

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25 mars 2013

« QUI FUIT LE JUGEMENT… S’AVOUE COUPABLE. »

L’héritage du « contrat social » de Jean-Jacques Rousseau nous amène à arrêter devant un feu rouge ou un panneau d’arrêt. Lorsqu’un juge rend une ordonnance, quelle qu’elle soit, on l’observe à la lettre. Mais qu’arrive-t-il si quelqu’un décide de contrevenir à un jugement de la Cour? Dissection de « L’outrage au tribunal »

Préliminairement, il est important de préciser qu’il s’agit de la seule infraction au Code de procédure civile pouvant entraîner une peine de prison. On comprend par là toute l’importance du respect des jugements pour assurer le maintien de l’ordre social.

Les ordonnances de Cour sont variées et peuvent viser d’innombrables domaines et plus d’une personne à la fois. Aux fins de la présente chronique, prenons l’exemple d’un père qui décide de ne pas ramener son enfant à sa mère au moment indiqué par un juge dans une ordonnance judiciaire et de le garder avec lui. Cette situation de non-respect de l’autorité judiciaire peut engendrer une procédure inspirée du droit criminel, mais qui demeure de droit civil : l’outrage au tribunal. En d’autres mots, la police n’intervient pas, et aucun officier public ne portera d’accusation; la personne devant le faire étant, dans notre exemple, la mère elle-même!

L’avocat de la  mère rédige une requête visant à faire comparaître le père pour une accusation d’outrage au tribunal.  Dans une première étape, un juge doit décider si ce qui est allégué par la mère lui apparaît suffisamment sérieux pour constituer un outrage au tribunal.

Le juge ayant déterminé que les allégations de la mère sont sérieuses, le père est convoqué, et la mère doit prouver au juge « hors de tout doute raisonnable » la culpabilité du père. Il s’agit donc non seulement de prouver que l’acte fautif a probablement été commis, mais bien qu’il ne reste aucun doute dans l’esprit du juge que le père a, volontairement, fait fi de l’ordre de la Cour. Le père a, quant à lui, le droit de présenter une défense ou de garder le silence.

Par conséquent, s’il est prouvé : (1) que le père était visé par l’ordonnance, (2) qu’il en avait pris connaissance et (3) qu’il y a volontairement contrevenu, alors le juge pourrait le trouver coupable d’outrage au tribunal. La sentence imposée par le juge pourra alors osciller entre une amende, des travaux communautaires et la détention du contrevenant, selon la gravité de l’acte commis.

Le tribunal peut également condamner, sur-le-champ, à un outrage au tribunal une personne qui porterait atteinte à l’autorité ou à la dignité du tribunal et même ordonner la détention d’une personne qui s’entêterait à contrevenir à une ordonnance judiciaire. Tout récemment, un homme a été gardé détenu pendant trois jours parce qu’il refusait de signer un document, alors qu’un jugement de Cour le lui ordonnait1.

Sur le plan philosophique, le commerçant qui accepte un simple bout de papier en échange de marchandise le fait car il a la conviction que le billet de vingt dollars qu’il reçoit a une réelle valeur. Au même titre, l’équilibre de notre société démocratique repose sur la conviction du citoyen qu’un jugement de Cour se doit d’être observé à la lettre. La contravention ne se fait pas sans risque!

Yan Lapierre, avocat


1  Laforest  c.  Collins, 2012 QCCS 6291

© Simard Boivin Lemieux, 2014. Tous droits réservés.

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