À votre arrivée sur les lieux de travail, votre employeur vous rencontre et vous informe qu’il modifie votre statut d’employé : vous serez dorénavant considéré comme un travailleur autonome. Pourtant, à quelques différences près, vos tâches restent sensiblement les mêmes et votre employeur contrôle votre travail de la même manière. Alors qui dit vrai? Et plus important encore : quelles sont les différences concrètes pour le travailleur de connaître son véritable statut?
La distinction salarié (employé) par rapport à travailleur autonome (entrepreneur indépendant) est primordiale en droit québécois. Dans les deux cas, vous échangez une prestation de travail ou d’ouvrage en échange d’une contrepartie, généralement monétaire. Mais dans le cas d’une relation salarié – employeur s’ajoute un troisième élément essentiel : la subordination.
La subordination ne répond pas à des critères très précis et s’apprécie au cas par cas. Sachez d’entrée de jeu que les autorités fiscales et les tribunaux québécois n’accordent aucune importance à la qualification de la relation de travail que vous, ou celui qui vous fournit le travail, donnez au contrat qui vous unit. En effet, cela n’empêche en rien un juge de conclure que le contrat qui vous décrit pourtant comme un travailleur autonome est en fait un » contrat de travail » entre un employeur et son employé. Les tribunaux ont développé avec le temps une méthode d’analyse qui tient compte de nombreux indices qui indiquent si nous sommes en présence d’une relation salarié – employeur, c’est-à-dire s’il existe un lien de subordination entre les parties. Il peut s’agir, entre autres, de la présence obligatoire sur un lieu de travail, d’imposition de règles de conduite, d’exigence de rapports d’activités, du port d’un uniforme, de la propriété des outils, de l’exclusivité des services ou de la dépendance économique du travailleur envers celui qui fournit le travail. Les tribunaux regardent donc l’ensemble des circonstances propres à votre contrat pour en déterminer sa vraie nature. Maintenant, une fois que l’on a bien qualifié le contrat, quelles en sont les conséquences pour le travailleur?
Premièrement, si nous sommes en présence d’un contrat de travail, sachez que le statut de salarié vous offre de nombreuses protections en vertu du Code civil du Québec et plus particulièrement dans la Loi sur les normes du travail. Le droit à un préavis suffisant lors d’un congédiement ou d’une mise à pied, des congés annuels, parentaux ou familiaux obligatoires, le droit au salaire minimum et divers recours dans le cas de congédiements faits sans cause juste et suffisante ou contre toute forme de harcèlement psychologique sont des exemples de protections fournies au salarié par ces lois, auxquelles le travailleur autonome n’a pas droit.
Au niveau fiscal, le travailleur autonome, quant à lui, a droit à de nombreuses déductions telles que les dépenses engagées dans le cadre de son travail, que ce soit pour l’achat d’équipement ou pour ses déplacements. Cependant, il est de sa responsabilité de s’assurer de cotiser suffisamment aux différents régimes gouvernementaux, tels que la Régie des rentes, le Régime québécois d’assurance parentale, la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Mais attention : le simple fait que vous assumiez ces dépenses ne fait pas automatiquement de vous un travailleur autonome!
Au niveau fédéral, la distinction salarié et travailleur autonome joue un rôle important en matière d’assurance-emploi. En effet, la personne considérée comme un travailleur autonome n’aura généralement pas droit aux prestations d’assurance-emploi et n’aura ainsi pas à en payer les cotisations. À l’inverse, il arrive que certains travailleurs, se considérant comme travailleurs autonomes, sont en fait des salariés et peuvent ainsi avoir droit à l’assurance-emploi en cas de mise à pied.
Comme vous pouvez le constater, il est très important de connaître son véritable statut de travailleur et de ne pas se fier aveuglement à la qualification que donne à votre contrat celui qui vous fournit le travail. Pensez donc à consulter les différents sites Internet des autorités fiscales ou de la Commission des normes du travail pour plus d’information. Dans le doute, n’hésitez pas à consulter un avocat pour savoir quel régime vous est applicable; ainsi vous éviterez de bien fâcheuses surprises!
Simon St-Laurent, avocat