Dans notre droit civil, la réclamation d’une perte de profit comme conséquence de la rupture d’un contrat n’est pas recevable à tout coup.
Le client d’un contrat de service ou d’entreprise a par exemple le droit de le résilier, même si les travaux ont déjà été entrepris. L’entrepreneur ou le prestataire du service a dans ce cas droit à la valeur des travaux qu’il a déjà exécutés. L’évaluation des travaux effectués varie bien évidemment d’un cas à l’autre.
L’une ou l’autre des parties peut aussi dans ce cas, réclamer « tout autre préjudice que l’autre partie a pu subir ». Que considère-t-on comme préjudice? Qu’en est-il de la perte de profit de l’entrepreneur ou de sa perte de gains futurs?
En 2003, la Cour d’Appel a tranché la controverse dans un dossier où un entrepreneur paysager, de qui un club de golf avait retenu les services pour l’entretien du parcours, poursuivait le club pour bris de contrat, sans motif de résiliation, et lui réclamait notamment sa perte de profit. Dans cette cause, la Cour d’appel a opté pour une interprétation restrictive et s’est spécifiquement penchée sur la question de l’étendue des dommages couverts.
C’est ainsi que la Cour a limité la réclamation de l’entreprise aux dépenses et dommages encourus avant la fin du contrat ou avant l’avis de la résiliation. Concrètement, cela pourrait représenter des débours encourus aux fins de la réalisation du contrat comme l’achat de matériaux, la location d’équipement particulier, l’engagement de personnel spécialisé ou les travaux préparatoires, tels qu’études préalables, démarches administratives, vérifications ou encore obtentions d’autorisation.
La perte de profit n’a pas été considérée comme un préjudice admissible dans ce cas.
Attention! Cette solution ne s’applique toutefois qu’aux contrats d’entreprise ou de service. La qualification du contrat est essentielle et l’examen scrupuleux des critères servant à déterminer le type de contrat en place sera indispensable. La distinction entre les diverses catégories de contrats est parfois très mince.
De plus, le client qui abuse de son droit de résilier un contrat peut également être condamné au remboursement d’une perte de profit à titre de dommages. Les tribunaux sont très sensibles, dans le cadre de l’évaluation des dommages, au comportement des parties ayant précédé la rupture de leurs relations contractuelles.
Avant de prendre telle décision de résilier un contrat ou de préparer une réclamation pour résiliation de contrat, il est donc recommandé de consulter un conseiller juridique qui saura vous conseiller sur la nature du contrat et des dommages, dépenses, travaux ou frais qui pourront raisonnablement être admissibles en cas de résiliation.
Isabelle Simard, avocate