26 janvier 2014

SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL: L’OBLIGATION DE SÉCURITÉ DE L’ADMINISTRATEUR

La Loi sur la santé et la sécurité au travail (« Loi ») impose au travailleur, à l’article 49, l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour protéger sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique, en plus d’imposer à l’employeur, à l’article 51, la même obligation à l’égard de son travailleur.

Les articles 7 et 8 nous indiquent qu’une personne physique qui œuvre à son propre compte, soit l’employeur, le gérant, le surintendant, le contremaître, le représentant de l’employeur, l’administrateur et le dirigeant d’une personne morale sont, quant à eux, tenus à cette obligation lorsqu’ils exécutent, pour autrui et sans l’aide de travailleurs, des travaux sur un lieu de travail où se trouvent des travailleurs, et ce, malgré le fait qu’ils soient expressément exclus de la définition de « travailleurs », prévue à l’article 2 de la Loi.

Un administrateur d’une personne morale peut-il prétendre pour autant que, lorsqu’il exécute des travaux pour autrui et sans l’aide de travailleurs ou en l’absence de travailleurs, il n’a pas l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour protéger sa santé, sa sécurité et son intégrité physique?

La Cour supérieure a répondu à cette question par la négative dans l’affaire Nadeau c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail)1. Regardons les faits de cette affaire.

Messieurs Nadeau et Richard sont administrateurs de deux entreprises de construction distinctes. Alors qu’ils procèdent à l’installation de bardeaux sur un bâtiment en construction à plus de trois  mètres de hauteur, ils se font interpeller par un inspecteur de la CSST parce qu’ils ne portent pas de harnais de sécurité. Aucun autre travailleur n’est présent sur les lieux. Les deux  administrateurs descendent alors de la toiture et s’équipent de façon sécuritaire avant de reprendre les travaux, conformément aux ordres de l’inspecteur de la CSST. L’inspecteur remettra néanmoins une contravention à Monsieur Nadeau pour avoir fait défaut de prendre les mesures nécessaires pour protéger sa sécurité.

Après avoir analysé la preuve et l’état du droit, la Cour du Québec, en première instance, en est venue à la conclusion que, si le « législateur avait voulu que l’administrateur d’une personne morale ne soit assujetti aux obligations de la Loi qu’en présence d’autres travailleurs, il l’aurait précisé ». La Cour confirme que l’article 49 de la Loi s’applique à l’administrateur et déclare coupable Monsieur Nadeau de l’infraction qui lui est reprochée.

Monsieur Nadeau a porté la décision de la Cour du Québec en appel devant la Cour supérieure. Celle-ci a confirmé, dans une très courte décision, le jugement de première instance. Ainsi, la Cour supérieure, après avoir rappelé l’objectif de la loi, c’est-à-dire l’élimination du danger à la source, écrit : « L’intention du législateur ne pouvait être de permettre à un administrateur certains droits des travailleurs, tout en lui permettant de ne pas prendre de précaution pour protéger sa sécurité lorsqu’il est seul sic».

En conclusion, l’administrateur d’une entreprise de construction qui exécute des travaux seul et en l’absence d’autres travailleurs est assujetti aux mêmes exigences qu’un travailleur quant à la protection de sa santé, de sa sécurité et de son intégrité physique, à défaut de quoi il s’expose à l’émission d’un constat d’infraction par la CSST.

Joël Brassard-Morissette, avocat


EYB 2013-228692 (C.S.) 17 octobre 2013

© Simard Boivin Lemieux, 2014. Tous droits réservés.

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