La réponse est bien simple : Oui!
En effet, la Cour d’appel a récemment confirmé un jugement de la Cour supérieure dans l’affaire Les Entreprises Donat c Chartier c Legault, selon lequel un acheteur fautif à l’égard d’un vendeur peut être la cause d’un préjudice pour un courtier immobilier lui permettant d’avoir droit à sa commission.
Dans cette cause, Chartier, promettant-acheteur, fait une offre d’achat par le biais de Legault, courtier immobilier, à Hyundai, pour l’acquisition d’une usine d’assemblage automobile à Bromont. Laquelle offre est suivie d’une contre-offre par le promettant-vendeur qui est acceptée par le promettant-acheteur, Chartier. Par la suite, compte tenu que les démarches afin de faire radier une servitude grevant ledit immeuble ont été assez longues, cela a nécessité à quelques reprises de faire reporter la date de signature de l’acte de vente. Malgré la radiation de la servitude et le fait qu’aucun autre obstacle n’empêchait la transaction, l’acheteur refusa de signer, alléguant que la dernière date de signature établie aurait été repoussée sans son consentement.
Le courtier immobilier, Legault, poursuit le promettant-vendeur et le promettant-acheteur au moyen de deux actions distinctes afin d’obtenir le paiement de la commission qu’il aurait reçue si la transaction s’était concrétisée.
Le promettant-acheteur plaide qu’après deux prolongations de délais, il lui était loisible de se retirer de la transaction, le vendeur ne pouvant livrer un titre clair durant le dernier délai convenu. Selon lui, il n’y a pas eu d’entente pour reporter une nouvelle fois la date de la séance de signature.
Aucun contrat n’étant intervenu entre le promettant-acheteur et le courtier immobilier, celui-ci allègue une responsabilité extracontractuelle de l’acheteur ayant subi par sa faute, un préjudice du fait que le promettant-acheteur s’est retiré de la transaction alors que la contre-offre faite avait fait l’objet d’acceptation. Certes, aucun écrit n’est intervenu entre les parties pour prolonger le dernier délai de signature; toutefois, la preuve révèle que les parties ont accepté tacitement de prolonger le délai afin de régler le problème de servitude. Cette prolongation ne permettait pas de croire que le vendeur avait l’intention d’abandonner la vente, mais qu’il avait plutôt l’intention de tout mettre en œuvre afin de régler le problème de servitude. Le promettant-acheteur n’avait pas l’obligation de reporter la date de signature, mais son comportement démontre clairement qu’il voulait signer l’acte de vente, malgré le report de la date de signature. En refusant de signer l’acte de vente, le promettant-acheteur a agi de façon déraisonnable et n’a pas respecté les exigences de la bonne foi. Par conséquent, la Cour supérieure l’a condamné à payer la commission que le courtier aurait reçue si la transaction s’était concrétisée.
La Cour d’appel a confirmé le jugement de première instance selon lequel les parties avaient accepté un dernier report de date de signature et que, n’eût été le retrait du promettant-acheteur, la vente aurait eu lieu, et le courtier aurait perçu la commission convenue. Ce faisant, la Cour renverse la tendance existante depuis l’arrêt rendu en 2003 dans la cause Benakezouh c. Les Immeubles Henry Ho, où le tribunal avait statué de ne pas accorder de commission au courtier immobilier en raison du comportement fautif de l’acheteur en alléguant qu’il n’y avait aucun lien de causalité entre le dommage subi au courtier et la faute d’un acheteur.
Soyez vigilant, vous pourriez devoir payer!
Bianka Villeneuve, notaire