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Droit criminel et pénal,

7 juin 2017

UTILISER LA FORCE POUR SE DÉFENDRE

En droit criminel, un des moyens de défense pouvant être soulevés par l’accusé est celui de la légitime défense. Ce concept, défini par l’article 34 du Code criminel[1], en est un qui, pour être reconnu par les Tribunaux, doit satisfaire certains critères. Selon la Loi, n’est pas reconnue coupable d’une infraction la personne qui commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger, lorsque cette même personne croit, pour des motifs raisonnables, qu’une force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne.

La jurisprudence est venue démystifier ce concept afin d’éclaircir les critères utilisés pour l’analyse de l’évènement et de la situation dans laquelle se trouvait l’accusé au moment de la commission de l’infraction.

Dans la décision La Reine c. Steve Laflamme[2], l’accusé invoque la légitime défense pour l’infraction d’avoir commis des voies de fait graves envers la victime à la suite d’une bagarre dans un stationnement. En l’espèce, à la sortie du bar Hollywood à Saint-Henri-de-Lévis, la victime et son ami ont procédé à des manœuvres de provocation telles des rotations de 360 degrés avec leur voiture autour de l’accusé et son ami. Ne voulant surtout pas envenimer la situation, l’accusé reste à côté de sa voiture sans bouger, les mains dans les poches. À la suite d’un échange d’injures entre son ami et l’ami de la victime, la bagarre entre ces derniers éclate. Voulant défendre son ami, la victime se dirige vers l’accusé et l’empoigne par le collet pour ensuite lui assener plusieurs coups au visage et le faire tomber au sol. Afin d’éloigner la victime, l’accusé sort un couteau et, en le tendant vers le bas, effectue des gestes horizontaux à deux reprises pour finalement l’atteindre au bras par inadvertance.

En l’espèce, afin de déterminer si l’allégation de légitime défense avait un fondement suffisant, le tribunal a privilégié une interprétation commune des articles 34(1) et 34(2) du Code criminel.[3] Il a évalué, en premier lieu, si l’accusé a été attaqué sans provocation de sa part. Le tribunal a reconnu que le comportement de l’accusé, c’est-à-dire le fait pour ce dernier de demeurer près de sa voiture à la suite des manœuvres effectuées par la victime et son ami avec leur automobile, permettait d’établir qu’en aucun cas il n’a fait preuve de provocation.

Le second critère que le tribunal a dû évaluer est le degré de force utilisé par l’accusé pour faire face à une situation dangereuse et inextricable. En d’autres mots, il s’agit de déterminer comment l’accusé percevait les choses au moment de l’attaque et de comparer cette perception à celle d’une personne raisonnable. Ici, peut-on affirmer que l’accusé faisait face à une situation suffisamment dangereuse pour craindre pour sa vie ou pour craindre que des lésions corporelles graves lui soient infligées, et si oui, était-il justifié d’utiliser un couteau pour tenter de s’en sortir? Dans les faits, la victime, en plus d’avoir une attitude agressive avant le crime, était beaucoup plus grande et plus lourde que l’accusé. Aux yeux du tribunal, lorsqu’il s’est retrouvé au sol, et ce, après avoir reçu une bonne raclée par la victime, il ne fait aucun doute que l’accusé avait subjectivement et objectivement raison d’appréhender que des lésions corporelles graves lui soient infligées. Malgré l’utilisation du couteau et les blessures causées à la victime, la force que ce dernier a employée pour se défendre n’a pas été qualifiée d’excessive. En conséquence, sur le chef d’accusation de voies de fait graves, l’accusé a été acquitté. [4]

[1] Code criminel, L.R.C. (1985) Ch. C-46.

[2] R. c. Laflamme, 2005 CanLII 6489 (QC CQ).

[3] Idem, par. 64.

[4] Idem, par. 98.


Me Charles Tremblay, avocat

© Simard Boivin Lemieux, 2014. Tous droits réservés.

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